L’ÉMOTION, UN PHÉNOMÈNE PHASIQUE

L’ÉMOTION, UN PHÉNOMÈNE PHASIQUE

L’émotion est liée à un différentiel d’état et d’action ; la séquence émotionnelle est caractérisée par une variation d’excitation (i). Cette variation est liée à un événement disruptif, provoquant une surprise, que l’on peut considérer comme une émotion ou comme le moment ouvrant tout parcours émotionnel.

L’excitation définissant l’épisode émotionnel standard se développe sous la forme d’une courbe en cloche.

Figure 1 : La vague émotionnelle
Une représentation de l’épisode émotionnel émergent

— La partie gauche de la courbe correspond à la montée de l’excitation.
— Cette montée atteint un maximum, moment où est saisie l’expression faciale considérée comme universellement associée à telle ou telle émotion, par exemple à la colère (Ekman 1993).
— La partie droite de la courbe représente la descente de l’excitation correspondant à la prise de contrôle de l’émotion et des événements.


Cette représentation de l’épisode émotionnel sous la forme d’une vague est empiriquement adéquate et très pratique. Elle est particulièrement bien adaptée au cas de
micro-émotions en interaction, comme en témoignent les interjections (voir §4.2.2). Elle
peut néanmoins être critiquée, car elle implique que quelque chose comme le degré zéro
d’excitation, autrement dit le calme, est l’état normal de la personne en interaction avec ses partenaires et avec son milieu, “the normal state of composure”. Cela suggère à tort que l’émotion est quelque chose d’exceptionnel et d’anormal, une maladie de l’âme opposée au
cours sain de la vie mentale ordinaire et au déroulement sans problème de l’action courante.

De plus, une telle représentation postule à tort deux types de symétrie : d’une part, une
symétrie entre le temps pré-émotionnel (action en cours) et le temps post-émotionnel
(récupération de l’action en cours, comme si de rien n’était), ce qui n’est pas forcément le
cas (certaines émotions cassent l’action en cours) ; d’autre part, la courbe émotionnelle elle-même n’est pas symétrique, la phase d’émergence de l’émotion (courbe montante) peut être très brève, alors que la phase de contrôle (résorption et réélaboration) peut être très longue

Figure 2 : Le flux des émotions
Une représentation de la “vie émotionnelle”

Les états émotionnels plus ou moins intenses peuvent s’enchaîner sans interruption ; alors la vie émotionnelle ne peut plus être vue comme une vague surgissant çà et là sur une mer plate, mais comme une série de vagues d’amplitude plus ou moins grande.

La figure 1 représente les émotions sous la forme d’une courbe, émergeant d’une ligne
droite non émotionnelle. Cette ligne droite peut être considérée comme représentant les
attitudes de routine attendues dans un groupe donné, au cours d’une activité donnée.
La figure 2 ne postule pas une telle ligne droite. Néanmoins, une ligne de tension
moyenne peut être déterminée en coupant les moments saillants. La différence avec la
figure 1 est que la ligne ne postule nullement l’existence d’états non émotionnels, mais
qu’elle représente le niveau moyen de tension dans une succession d’événements
coordonnée.
Le “normal state of composure” apparaît maintenant comme une construction et non
comme l’état mental fondamental de l’individu