L’ÉMOTION, UNE FORME ORGANISÉE DE L’EXPÉRIENCE HUMAINE

L’ÉMOTION,
« FORME ORGANISÉE DE L’EXPÉRIENCE HUMAINE »

L’émotion signifie à sa manière le tout de la conscience ou, si nous nous plaçons sur le plan existentiel, de la réalité-humaine. Elle n’est pas un accident parce que la réalité-humaine n’est pas une somme de faits ; elle exprime sous un aspect défini la totalité synthétique humaine dans son intégrité. Et par là il ne faut point entendre qu’elle est l’effet de la réalité-humaine. Elle est cette réalité-humaine elle-même se réalisant sous la forme “émotion”. Dès lors il est impossible de considérer l’émotion comme un désordre psycho-physiologique. Elle a son essence, ses structures particulières, ses lois d’apparition, sa signification. Elle ne saurait venir du dehors à la réalité-humaine. C’est l’homme au contraire qui assume son émotion et par conséquent l’émotion est une forme organisée de l’existence humaine.
(Sartre, 1938, p. 24)

Ce passage dense est dense et complexe, mais nous voudrions simplement souligner certaines idées et formulations qui sont d’excellents guides lorsqu’il s’agit de réfléchir sur la parole émotionnée. La seule restriction porte sur la qualification « humaine » : la classe des expérienceurs inclut non seulement les humains, mais aussi certains animaux.

— En tout premier lieu, l’émotion n’est ni une maladie, ni un dérèglement de l’âme et du corps : « il est impossible de considérer l’émotion comme un “désordre psycho-physiologique” ».

— L’émotion est « le tout de la conscience » émotionnée ; ce tout constitue la « réalité-humaine », incluant la situation vécue par l’expérienceur telle qu’il la perçoit et l’organise. Il s’ensuit que l’émotion est agie autant que subie.

— « Il ne faut point entendre que [l’émotion] est l’effet de la réalité-humaine » ; « [elle] ne saurait venir du dehors à la réalité-humaine » : en d’autres termes, elle n’est pas une réponse à une « réalité brute » qui en serait le stimuli. Elle est liée à la perception spécifique que l’expérienceur a d’une situation, d’une « réalité-humaine. »

 L’émotion a son mode d’organisation spécifique : « l’émotion a son essence, ses structures particulières, ses lois d’apparition, sa signification » — qui s’expriment dans l’épisode émotionnel.

De l’expérience à l’expérienceur

Proposé indépendamment de toute approche phénoménologique de l’émotion le terme d’expérienceur (noté Ψ, également appelé “lieu” ou “sujet” de l’émotion), correspond parfaitement à cette vision de l’émotion.

D’après le TLFi, l’expérience se définit comme :
“Le fait d’acquérir, volontairement ou non, et de développer la connaissance des êtres et des choses, par la pratique et par une confrontation de soi avec le monde.”