Mondada, L., 1996, "La construction discursive de l'altérité: effets linguistiques", Traverse. Revue d’histoire, 1, 51-62.

Résumé

L'émergence de la figure de l'Autre n'est pas l'affirmation d'une identité qui existerait préalablement et qui serait donnée d'emblée, mais résulte de procédures de construction de l'altérité. Celles-ci nous renseignent au moins autant sur celui qui les met en place que sur l'Autre qu'elles construisent et permettent d'appréhender. Cette dimension symboliquement construite et socialement accomplie de l'altérité n'est pas mise en cause par l'évidence avec laquelle se présentent les catégories de l'Autre: en effet, cette transparence relève précisément de l'efficacité des procédures utilisées par une culture ou une société pour reconnaître et imposer des attributs par rapport auxquels elle se distancie. Il importe donc de décrire le fonctionnement de ces procédures, qui mobilisent notamment des médiations linguistiques. Après avoir explicité comment l'altérité est contextuellement produite dans des pratiques langagières, nous privilégierons ici le rapport à l'autre tel qu'il est observable linguistiquement, et plus particulièrement en tant qu'il implique la construction dans et par le discours à la fois d'une relation intersubjective, d'un rapport différent au monde et d'une révision du rapport à la langue. Ces différentes dimensions mobilisent un ensemble de questions théoriques que nous esquisserons à travers l'analyse d'exemples tirés d'un corpus de relations de voyageurs français du XVIIIe siècle en Italie.