Thèse

Thèse soutenue le 16 décembre 2022

Le mythe, aujourd’hui : entre théories et pratiques linguistiques. Réactivation d’une notion, actualité d’une forme discursive

Résumé général : Ce travail de thèse porte une large réflexion théorique et méthodologique sur le « mythe » en tant que notion et en tant que forme discursive au sein des sciences du langage et de la sémiotique de tradition saussurienne. Il s’intéresse également à l’influence de la linguistique et de la sémiotique dans les études sur les mythes entre 1903 et 2022. L’objectif de ce travail est de mener une enquête pour mettre en évidence les particularités sémiotiques du mythe dans notre culture. Pour ce faire nous nous intéressons aux relations entre le mythe et les institutions symboliques, dont les « langues naturelles ». Nous nous demandons s’il est possible de définir le mythe comme « institution » et comme forme symbolique. Notre travail est guidé par la problématique générale suivante : en quoi les particularités sémiotiques du mythique permettent-elles au mythe d’avoir un fonctionnement et un rôle uniques au sein de la sémiosphère et en relation aux institutions symboliques ? Le mythe peut-il fonctionner lui aussi comme une institution symbolique ? Et en définitive : en quoi, par son originalité figurative, le mythe exhibe-t-il un rôle et un fonctionnement uniques au sein de la sémiosphère et notamment à l’intérieur des différentes institutions de sens ?

Le mythe a été l’objet d’étude privilégié dans les connexions étroites et productives entre l’anthropologie et la sémiotique. Cet échange prolifique semble vivre un temps d’arrêt car, d’une part, la formation des nouveaux sémioticiens ne passe que rarement par d’examens d’anthropologie, d’autre part, la sémiotique a perdu progressivement son aptitude critique par rapport aux productions de masse et aux communications médiatiques. En effet, il y a avait deux éléments d’origine dans le projet sémiotique : (i) le comparatisme, où la confrontation entre les langues se transformait immédiatement dans une caractérisation contrastive des organisations culturelles, (ii) la mission démystificatrice de Barthes, qui avait lancé un projet d’analyse de l’apparente trivialité du monde de la consommation, afin d’en montrer la sagacité et donc la force manipulatrice cachée. Si la thématique mythique semble être un peu sortie de l’agenda sémiotique, il faut remarquer qu’on assiste à la résistance de la tradition mythique dans la production des narrations (les manuels de storytelling et surtout le livre de succès sur comment écrire un scénario à Hollywood ne font que parler de transposition des mythes anciens), et qu’on active sans cesse des procédures de mythisation des personnages et des objets qui priment dans la communication médiatique. Cette étude, tout en tentant de mettre en évidence cette importance du mythe dans la culture actuelle, se veut une réactualisation du rôle du mythe dans la réflexion sémiotique. Ce projet de thèse veut alors réactualiser le rôle de la mythologie dans les études sémiotiques, en montrant d’une part comment les mythes classiques demeurent un interprétant privilégié des formes de vie et de la dialectique entre caractère et destin que Walter Benjamin a si bien décrit ; d’autre part, notre travail voudrait expliciter les processus syntaxiques de mythisation, qui tendent à extraire des acteurs culturels du temps de la chronique médiatique pour les insérer dans un royaume des modèles indiscutables et résistants à l’analyse. On trouve alors deux aspects de l’enquête typique dans les sciences du langage : la résonance paradigmatique du mythe qui montre l’origine d’une classe actancielle et sa déclinaison dans la culture à travers des incarnations toujours différentes, l’élaboration syntaxique, où le mythe s’instaure et s’alimente à travers des discours, réalisés avec tous les langages possibles (de littérature au cinéma, de la musique à la gastronomie).

Sous la direction de Pierluigi Basso-Fossali